Pris sous les bombardements russes, le 25 février 2022, le réfugié de Guinée-Conakry a dû fuir l’Ukraine. Aujourd’hui réfugié à Châteauroux, il témoigne.Saliou Doumbouya est hébergé au Centre d’accueil de demandeurs d’asile de Châteauroux.
Agé de 32 ans, il a subi les bombardements de l’aviation russe au-dessus de Kiev, le 25 février 2022. « Cela faisait un an que j’étais en Ukraine. Je n’y étais pas arrivé par choix mais pour me sauver, explique-t-il. Après un problème politique, j’étais menacé en Guinée-Conakry. J’ai dû partir le plus loin et le plus vite possible. »
« Le sang ne circulait plus dans nos pieds »
Ne connaissant personne sur place, il parvient à rencontrer des gens grâce à sa connaissance de la langue arabe. « Ils m’ont fait découvrir le pays, m’ont permis de faire une remise à niveau en russe. » Jusqu’à ce que la guerre lui tombe dessus. Il s’en souvient quasiment heure par heure.
« L’attaque a commencé le 24 février 2022, mais pas à Kiev. Nous, ça a commencé le 25, à 4 h. Tout le monde était paniqué. Avec quelques amis, nous sommes partis dans le centre-ville où il y avait le métro pour se réfugier. » Il se renseigne pour quitter la ville et se rendre à Lviv, à la frontière avec la Pologne. « Le taxi nous demandait 1.500 $. Nous avons supplié pour 1.000 $, mais c’était impossible. »
Sept heures de train
Un deuxième bombardement commence, à midi. « Certains sont partis s’abriter, avec un ami, nous sommes restés en haut. C’est là que nous avons entendu une sirène et vu un train arriver. Il se rendait à Lviv, nous sommes entrés directement dedans. Nous étions les premiers. » Une opportunité que n’auront pas ses amis. « Comme ils étaient noirs, ils n’ont pas eu l’autorisation d’entrer. Même nous, on nous disait de descendre, mais on a refusé. »
Après plus de sept heures dans un train bondé, ils arrivent à Lviv. « Il était 23 h, on a pu manger et prendre une voiture pour aller en Pologne. » Moyennant 100 $ par passager, ils effectuent « dix kilomètres et le taxi nous a laissés dehors. Il y avait 30 km d’embouteillages. »
Il perd son sac avec ses documents
On est le 26 février, il est 1 h et il fait -11 °C. « Nous avons marché jusqu’à 7 h. Certains jetaient leurs bagages pour pouvoir continuer à marcher. On avait les pieds congelés. » Arrivés à la frontière, côté ukrainien, « c’était l’enfer ». Un premier barrage, « les soldats nous arrêtent jusqu’à 19 h. Dehors, sans manger, ni boire. » Une fois libérés, « on était obligés d’enlever nos chaussures car le sang ne circulait plus dans nos pieds ».
Il perd son sac dans un hangar, avec tous ses documents. « On était très serrés, il y avait une femme avec un bébé derrière moi. Il était écrasé. J’ai préféré laisser tomber le sac pour sauver le nouveau-né. » Il reste avec la femme et le petit jusqu’à la frontière. « On m’a demandé si j’étais le père. Non. Eux sont passés, j’ai dû attendre une journée de plus. »
Deux jours en garde à vue
En Pologne, il n’a plus de papiers à présenter. « J’ai passé environ deux jours en garde à vue, avant qu’ils nous laissent passer. Là aussi, il y avait des discriminations. J’ai dû attendre toute la journée avant de pouvoir entrer dans un bus qui va vers Cracovie. »
Enfin, il est bien accueilli. « L’aide sociale nous a bien pris en charge. » Malade, il ne peut pas rester pour pouvoir suivre un traitement. Un homme le convainc de partir avec lui en France. « Son frère était à Lyon, moi je ne connaissais personne. » En passant par l’Allemagne, il arrive à Lyon le 10 mars 2022 pour trouver porte close. « Il n’avait pas la place de m’héberger. »
« Je rêve de travailler pour Louis Vuitton »
Un contrôleur compréhensif, une bonne âme parisienne et il contacte l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii) pour faire une demande d’asile et arrive, le 25 avril, à Châteauroux. Depuis, il suit des stages, des formations et fait du bénévolat, à l’Ufolep. « Je ne veux pas rester inactif, sinon je cogite et je me suicide. Déjà, je ne dors plus. »