Évaluation des ministres guinéens : simple perte de temps et d’énergie ! (Mamoudou Boulléré DIALLO)

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L’expérience nous enseigne que plus une transition est courte, mieux c’est. Et le contexte actuel de la Guinée n’échappe pas à cette règle. Mais les faits que nous vivons depuis le coup de force du 5 septembre 2021 laissent entrevoir une volonté manifeste des maîtres de Conakry de prolonger leur séjour au Palais Mohamed V. En témoignent ces nombreuses initiatives de la junte du CNRD et de son gouvernement qui conduisent à une simple perte de temps et d’énergie. Parmi ces actions dilatoires, figurent en bonne place l’évaluation des membres du gouvernement de la transition. Certes, il est important de veiller à une exécution des feuilles de routes des différents départements sectoriels. Mais le Premier ministre Bernard Goumou s’y prend-il de la meilleure manière ? Sans doute pas ! D’abord nous avons suivi le processus de nomination jadis serré. Les bénéficiaires de décrets ont été même obligés de prêter serment en jurant sur les livres saints : le coran pour les musulmans et la bible pour les chrétiens. Ensuite toute une panoplie des instruments existent pour mesurer l’efficacité des actions. Où est l’opportunité ? Vous avez les conseils des cabinets des différents ministères les lundis, les conseils interministériels les mardis et les conseils des ministres les jeudis. Mieux, vous avez l’inspection générale de l’État à votre disposition. Avec toutes ces rencontres hebdomadaires, on ne voit pas la nécessité de mettre les ministres dans une salle d’évaluation, surtout que le résultat ne débouchera sur aucune sanction positive ou négative de ceux qui sont évalués. Où est la logique ? La méthode suscite des interrogations tant sur la forme que dans le fond. Quatre ministres passent devant le comité des évaluateurs par jour, pour dire ce qu’ils ont pu accomplir les six derniers mois de l’année 2023. De 10h jusqu’à tard dans la soirée, parfois 20h, 21h voire 22h pour se quitter du côté de la Primature. Ils ont chacun un temps approximativement d’une heure et demie pour exposer le niveau d’exécution de leurs feuilles de route à mi-parcours. Le comité d’évaluateurs observe quelques pauses pour se rafraîchir et s’alimenter. À la sortie, chaque ministre a droit à une interview par les médias d’État avec quelques organes de presse indépendants invités pour la circonstance. L’interviewé répond à un maximum de trois questions (qui l’arrangent). Il faut avoir l’honnêteté de le dire. Et puis, qui évalue qui ? Un cabinet indépendant ? Non ! Ce que nous avons vu est loin de ce qui pourrait être. Des anciens ministres des ddéfunts régimes qui ont échoué selon vous-mêmes monsieur le président. D’où le slogan « Refondation de l’État ». Mieux encore, les candidats s’évaluent entre eux. Un ministre vient évaluer son collègue le matin et le soir ils échangent de places. L’évalué devient l’évaluateur. Où est le sérieux dans ça, monsieur le président ? Nous apprenons auprès de la Primature qu’un examen final est prévu en fin d’année. Quel est l’enjeu de la démarche ? Pendant ce temps qu’est-ce qui est réellement fait pour le retour à l’ordre constitutionnel, pour porte sortie honorable tant souhaité ? Depuis bientôt deux ans que l’ordre constitutionnel est rompu, le conseil national de la transition (CNT) nous a fait vivre l’inédit en termes d’événements autour de l’élaboration de la nouvelle constitution. Nous allons citer quelques actions pour rafraîchir les mémoires. C’est le cas notamment de la consultation des citoyens à la base, du forum interreligieux, du forum sur le constitutionnalisme (auquel monsieur le président a pris part et a prononcé un discours demandant une constitution tirée des réalités guinéennes), de la constitution sensible au genre, du débat d’orientation constitutionnelle. Pour ne citer que ceux-ci. Du côté du ministère de l’administration du territoire et de la Décentralisation, où en sommes-nous avec l’exécution des dix points clés de la transition ? Nous avons tellement de choses à examiner qu’on ne peut mettre les ministres dans une salle d’évaluation pendant plus d’une semaine, alors que le temps vaut de l’or pendant une transition qui se veut crédible. Ne l’oublions pas. Les membres du Gouvernement ont fait chacun au moins deux tours à l’intérieur du pays. Les membres du CNT aussi la même chose. Nous supposons que vous voyez les résultats de la gestion publique sur le terrain. Monsieur le Président n’oubliez pas que beaucoup rôdent pour construire leurs vies et celles de leurs familles. Or, en cas d’échec, vous serez désigné comme le seul comptable, monsieur le président. Alors prenez garde, car ça glisse. Ayez la fermeté quand le faut et la souplesse là où c’est nécessaire ! Bonne chance à la Guinée !

Mamoudou Boulléré DIALLO journaliste au groupe HADAFO MÉDIAS

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